Par leur sensibilité, les animaux tiennent une place privilégiée auprès des êtres humains depuis bien longtemps. Compagnon fidèle, les bienfaits de leur contact ne sont plus à prouver. Quoique…
Aux origines de la thérapie par l’animal
Les travaux de Boris Levinson (1965, 1972, 1978) tendent à montrer l’intérêt de l’animal dans la relation thérapeutique. Ce psychologue, qui travaillait auprès d’enfants, est le premier à démontrer que le contact régulier d’un enfant autiste qu’il recevait en séance avec son chien, a permis de diminuer ses troubles. Il émet plus globalement le constat que l’animal contribue au développement de la personnalité chez l’enfant et notamment à l’adaptation et à l’empathie. Il postule que l’animal peut offrir à l’enfant l’environnement ou la figure sécurisante pour oser expérimenter. D’autres processus relatifs à l’estime de soi ou à la compréhension de ses états émotionnels seraient également en jeu chez les personnes expérimentant ce qu’il nomme la « pet assisted therapy ». Ses recherches (avec le chat et le chien) marquent le réel développement des premières thérapies par l’animal ou zoothérapie.
En France, la médiation par l’animal tend à se démocratiser depuis quelques années, à la suite de nombreuses recherches et témoignages de professionnels qui perçoivent au quotidien les bienfaits de la relation à l’animal chez leurs patients en situation de fragilité physique, psychique ou sociale.
Cette médiation animale peut prendre diverses formes et être pratiquée avec différentes espèces parmi lesquelles on retrouve le chien, le chat, le cheval, le dauphin ou encore le lama. Nous nous intéresserons ici tout particulièrement aux équidés, avec lesquels notre association Équit’harmonie travaille comme partenaire. Nous vous expliquons pourquoi dans cet article et nous en détaillerons les bénéfices.
Connaissez-vous la médiation équine ?
La médiation équine est définie par le groupe des Actualités Sociales Hebdomadaires (Fondation Adrienne et Pierre Sommer et al., 2020) comme la « mise en relation entre l’homme et le cheval dans le cadre d’un programme social, thérapeutique ou éducatif, dans l‘intérêt de l’un et le respect de l’autre. Elle est reconnue dans le cadre des thérapies non médicamenteuses par la Haute Autorité de Santé mais peut être utilisée pour renforcer certaines prescriptions ou approches paramédicales. Elle peut également être pratiquée avec profit en dehors de cadres strictement thérapeutiques. »
Dans le Perche, une étude contrôlée sur la médiation équine dénommée « Pégase » a débuté au Centre Hospitalier de Dreux en janvier 2021. D’une durée de deux ans, elle a pour but d’« évaluer l’efficacité d’un programme bref de médiation équine sur l’adaptation sociale, l’affirmation de soi, l’estime de soi et les stratégies d’adaptation au stress de patients adultes présentant un dysfonctionnement psychosocial, hospitalisés et suivis en psychiatrie » (Robin, 2021). Prometteuse, cette étude reçoit déjà un fort taux d’adhésion des participants au programme.
Quels bienfaits la science accorde-t-elle à la médiation équine ?
Nombreux sont aujourd’hui les bénéfices reconnus par des études scientifiques concernant le contact privilégié avec les équidés. Plusieurs aspects de la personne sont d’ailleurs concernés par ces changements. Sur le plan physique tout d’abord, on constate la prise de conscience par la personne de son corps. Le cheval favorise également un meilleur tonus postural et le développement psychomoteur comme l’explicite Montagner (2017) : « Cavalier et cheval paraissent faire corps et adhérer l’un à l’autre » dans la mesure où ils synchronisent leurs paramètres physiologiques (récepteurs somesthésiques tels que la température ou la pression ; rythme cardiaque ; récepteurs vestibulaires responsables de l’équilibre ; contraction et détente musculaire et articulaire, etc.).
Le cheval va également venir stimuler les sens dont l’olfaction, qui bénéficie d’un lien direct avec la mémoire émotionnelle (Riou-Milliot dans Lorin de Reure, 2016).
Une hormone, l’ocytocine, souvent appelée hormone du bonheur, est produite lors de l’interaction humain-cheval. Elle contribue à diminuer le stress, la douleur ou encore les comportements agressifs. L’activation de cette hormone augmente les capacités relationnelles ainsi que la confiance et diminue la dépression et les symptômes anxieux (Beetz et al., 2010).
Une étude récente et précurseur dans le domaine montre des modifications de certaines structures cérébrales impliquées dans le circuit de la récompense chez les personnes atteintes de troubles de stress post-traumatique au contact des équidés (Zhu et al., 2021).
Sur le plan psychique, on constate des effets apaisants, rassurants et relaxants (Demaret, 1997 dans Servais, 2007) sur la personne grâce au contact du cheval, lors de la séance et même après. Dès leur plus jeune âge, les animaux, tout comme les nouveaux nés, ont un besoin naturel de chaleur et de contact avec une figure privilégiée (Harlow & Zimmermann, 1958). Le cheval est en capacité de devenir ce pilier pour l’humain.
Il permet de créer un cadre contenant et sécurisant qui respecte les besoins naturels du développement de l’enfant par exemple.
La médiation équine favorise donc non seulement les apprentissages, mais aussi la concentration (Servais, 2007) et apprend aux enfants à mieux gérer leur frustration (Le Hénaff & Grandgeorge, 2017). De par sa sensibilité, le cheval est en mesure d’agir en miroir des émotions de la personne qui se trouve face à lui. Le cheval est ainsi le traducteur fidèle et privilégié des émotions de la personne avec qui la relation se noue. Reconnaître et comprendre ses états émotionnels et relationnels fait partie des bénéfices issus de la médiation (Barrois et al., 2020).
Sur le plan social, l’équidé permet l’ouverture à une altérité. En effet, dans cette relation, il n’est pas nécessaire de faire intervenir le verbal. La lecture des intentions et des émotions de l’autre est simplifiée chez le cheval, ce qui facilite la compréhension des interactions pour les personnes dont cette capacité n’est pas aiguisée (Woodruff & Premack, 1978). Le cheval vient rompre l’isolement et respecter les besoins de la relation.
La médiation équine : pour quels publics ?
La médiation équine est proposée par l’association Équit’harmonie et les Écuries Saint Victor à de nombreux publics en difficulté chez qui nous pouvons constater des bienfaits. Parmi eux, nous accueillons des enfants atteints de troubles du spectre autistique, des jeunes sous main de justice (délinquance juvénile), des enfants sujets à des troubles de l’attachement ou encore des personnes âgées (avec ou sans pathologie neurodégénérative). Vous pouvez d’ailleurs suivre plus en détail nos actions auprès de ces publics sur notre site internet !
« Si le partenaire cheval soutient la motivation des plus petits et favorise l'entrée en communication des plus grands, c'est bien le professionnalisme et l'investissement des intervenants en médiation équine qui permet ce travail de qualité : chaque séance est soigneusement pensée et réfléchie, les objectifs sont régulièrement réajustés en fonction de l'avancée du bénéficiaire ou du groupe. C'est un travail de collaboration entre intervenant en médiation équine et partenaire équin. » (Marlène Lacombe)
Les enfants atteints de troubles envahissants du développement, de troubles des apprentissages, ceux qui sont intolérants à la frustration, ou encore les personnes en situation de déficience intellectuelle peuvent également trouver de nombreux bénéfices au contact des chevaux, dans la mesure où la médiation équine et l’équithérapie viennent toujours s’inscrire dans un projet de soin. L’objectif est d’aligner les conduites entre les professionnels de santé, les encadrants et la famille dans l’intérêt de la personne suivie, et selon ses objectifs.
Plus globalement, la médiation équine peut apporter ses bénéfices à tous et toutes, à partir du moment où l’on a envie de s’engager dans l’interaction avec le cheval.
Article rédigé par Ludivine Agullo, volontaire en service civique en études de psychologie.
Photos : Équit’harmonie et M. Guillamot
Bibliographie
Barrois, C., Jean, P., Lebon, C., & Muller, É. (2020). Médiation thérapeutique avec le cheval. Érès. https://doi.org/10.3917/eres.barro.2020.01
Beetz, A., Julius, H., Kotrschal, K., & Uvnäs-Moberg, K. (2010). Basic neurobiological and psychological mechanisms underlying therapeutic effects of Equine Assisted Activities (EAA/T). HHRF Research Grant Application. Submission Date, 5(10), 2010.
Fondation Adrienne et Pierre Sommer, Virginie Champion, Jacques Draussin, & Claudine Colozzi. (2020). Numéro juridique ASH : La médiation animale. https://boutique.ash.tm.fr/librairie/numeros-juridiques-ash/la-mediation-animale---2020
Harlow, H. F. & Zimmermann, R. R. (1958). The development of affective responsiveness in infant monkeys. Proceedings of the American Philosophical Society, 102,501 -509
Le Hénaff, I., & Grandgeorge, M. (2017). Effets de l’équithérapie pour 3 enfants présentant le syndrome Smith-Magenis : La tolérance à la frustration et autres apports. Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence, 65(6), 344‑349.
Levinson, B. M. (1965). Pet psychotherapy: use of household pets in the treatment of behavior disorder in childhood. Psychological Reports, 17, 695-698.
Levinson, B. M. (1972). Pets and human development. Springfield, Ill.: Thomas
Levinson, B. M. (1978). Pets and personality development. Psychological Report, 42, 1031-1038.
Lorin de Reure, A. (2016). Interactions libres entre enfant autiste et animal (poney et dauphin) : Étude des processus en jeu dans une sensorimotricité partagée par une triple approche clinique éthologique et vidéo [PhD Thesis]. Lyon.
Montagner, H. (2017). Les relations entre les enfants et leurs animaux familiers. L’ecole des parents, 5, 11‑49.
Robin, Anthony. (2021, mai 24). Médiation équine : Lancement de l’étude Pegase. Santé Mentale, le mensuel des équipes soignantes en psychiatrie. https://www.santementale.fr/2021/05/mediation-equine-lancement-de-letude-pegase/
Servais, V. (2007). La relation homme-animal. Enfances Psy, 2, 46‑57.
Woodruff, G., & Premack, D. (1978). Does the chimpanzee have a theory of mind. Behavioral and Brain Sciences, 4(1), 515‑526.Zhu, X., Suarez-Jimenez, B., Zilcha-Mano, S., Lazarov, A., Arnon, S., & Lowell, A. L. (2021). Neural changes following equine‐assisted therapy for posttraumatic stress disorder : A longitudinal multimodal imaging study. Wiley Online Library, 6(42), 1930‑1939. https://doi.org/10.1002/hbm.25360